Si protéger une innovation technique est sa vertu première, cet outil de propriété industrielle est aussi une arme de choix pour les start-up en quête de fonds. L’essentiel à savoir pour le déposer, voire l’étendre à l’international.

L’intérêt pour le brevet d’invention ne se dément pas. Une hausse record, à 2,9 millions dans le monde, du nombre de demandes de cet outil de propriété industrielle a été constatée en 2015 par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Protégeant un produit ou un procédé qui apporte une nouvelle solution technique à un problème technique, le brevet est une arme de choix pour obtenir le monopole d’exploitation d’une invention sur le marché, autrement dit un droit d’interdire aux concurrents toute utilisation, fabrication, importation… sans votre autorisation.

Facteur de réussite des jeunes pousses

Mais pour une start-up, il existe un autre atout de taille. « Souvent, les start-up en début de vie n’ont pas d’exploitation et dans leur patrimoine, ce sont les brevets qui constituent leur richesse. Lorsqu’elles vont chercher à se valoriser et à lever des fonds, à avoir des partenaires et des investisseurs qui entrent au capital, leur seule valeur est généralement leur portefeuille de brevets », explique Hélène Stankoff, associée du cabinet de conseil en propriété industrielle Santarelli.
Autre intérêt pour les jeunes pousses sur des marchés concurrentiels, « il est important de construire son portefeuille brevets le plus vite possible par rapport aux concurrents puisque tout le monde cherche en même temps et que la protection appartient au premier déposant. Il est important de se protéger régulièrement et de se constituer ainsi un monopole avec différentes briques sur le marché », estime l’experte.
Reste que, à en juger par un rapport récent de France Brevets, les start-up tricolores déposent moins de brevets comparé aux jeunes pousses britanniques, allemandes ou celles de la Silicon Valley : elles ne sont que 15 % à détenir au moins un brevet durant leur phase d’amorçage. Or selon ce fonds public, les start-up dotées d’un portefeuille de brevets ont trois fois plus de chances de réussir que les autres, surtout dans les secteurs des logiciels et des biotechs.

Etapes clés

Le dépôt d’un brevet d’invention s’effectue auprès de l’Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi). Et pour être brevetable, une création doit, comme l’indique l’Inpi, non seulement être une solution technique à un problème technique, elle doit être nouvelle et impliquer une activité inventive et une application industrielle. Pas de possibilité, donc, de breveter une idée ; seuls les moyens techniques permettant de la matérialiser sont brevetables. Exit aussi théories scientifiques, méthodes,... Les logiciels en tant que tels, eux, étant protégeables par le droit d’auteur, on peut recourir au brevet seulement s’ils participent à l’invention.

"La protection par brevet doit s’envisager dès le début de la conception du produit."

Point primordial à savoir, la demande de brevet doit être déposée avant la divulgation, avertit Hélène Stankoff. « Nous voyons malheureusement encore trop souvent de jeunes inventeurs qui viennent nous voir alors que le produit est déjà en ligne sur Internet ou qu’il a déjà été présenté à un salon », déplore-t-elle. « La protection par brevet doit s’envisager dès le début de la conception du produit. C’est aussi une politique qui doit être menée régulièrement par une start-up pour vérifier au fur et à mesure s’il y a matière à déposer une demande de brevet pour couvrir les évolutions du produit à chaque instant avant de les divulguer aux tiers », martèle-t-elle. Et de conseiller de mettre parallèlement en place des accords de confidentialité dès qu’il est nécessaire d’engager des négociations avec le prototypeur ou un laboratoire d’essai.
Une autre étape mérite une attention particulière : la rédaction du brevet, qui n’est pas sans exiger des compétences techniques et juridiques. Une demande mal rédigée risque, prévient l’Inpi, de protéger insuffisamment, de retarder la procédure, voire d’être rejetée. « La recommandation que nous faisons aux entreprises est de passer par un conseil pour cette rédaction, dans la mesure où le droit des brevets est tel qu’il y a un certain nombre de critères examinés quant à la validité du titre qui sera délivré », explique Jean-Philippe Muller, délégué régional Ile-de-France de l’Inpi. En résumé, c’est le gage d’une protection efficace.

Brevet français : frais et délais

Environ neuf mois après le dépôt à l’Inpi, celui-ci transmet au déposant un rapport de recherche préliminaire qui évalue l’environnement concurrentiel et donne un avis sur la brevetabilité. Dix-huit mois après le dépôt, la demande est rendue publique. Quant à la délivrance du brevet français, elle intervient, selon Jean-Philippe Muller, aux alentours de 28 à 30 mois après le dépôt. La protection étant valable pendant 20 ans au maximum, à compter de la date de dépôt, tant qu’on acquitte les annuités.
Le coût ? Pour les entreprises de moins de 1 000 salariés, la taxe de dépôt auprès de l’Inpi s’élève à 18 euros, celle de recherche, à 260 euros, tandis que la taxe de délivrance est de 45 euros. A ajouter à ces frais, le cas échéant, ceux du conseil en propriété intellectuelle : la rédaction du brevet par un conseil étant souvent facturée en temps passé, elle peut notamment dépendre de la complexité de la technologie. Une idée de prix ? « Quatre-vingt pour cent des devis que nous avons vus étaient entre quatre et cinq mille euros », confie Jean-Philippe Muller. Restent enfin les annuités à régler auprès de l’Inpi qui augmentent progressivement pour atteindre 720 euros la 20e année.

Cap sur l’international

Vous souhaitez exporter ? Jalon clé, un an après le dépôt, il est possible d’élargir sa demande de brevet à l’international. Et si une société française doit déposer sa demande d’abord à l’Inpi, elle en a en outre tout intérêt. « Le brevet français est un vrai marchepied vers la protection internationale », estime l’expert de l’Inpi. La raison ? Le rapport de recherche émis dans le cadre de la procédure française est repris par l’Office européen des brevets lorsque celui-ci examine l’extension européenne ou internationale. Autant dire que « le déposant ne paie pas de nouveau la recherche d’antériorité sur la procédure européenne ou internationale, alors que s’il s’adressait directement à l’office européen, celui-ci facturerait cette recherche 2 300 euros »… Reste qu’une protection à l’étranger entraîne des frais, en fonction du nombre de pays où l’on veut se protéger, et notamment ceux d’éventuelles traductions. Les annuités, elles, sont fixées par les offices nationaux.
Bonne nouvelle, enfin, pour ceux qui cherchent à mettre à l’abri leurs créations techniques sur le territoire européen : fin 2017 devrait voir le jour le tant attendu brevet unitaire européen, valable dans l’ensemble de l’Union, sauf en Espagne, avec une seule annuité à régler. Une solution visant à plus d’économies et de simplicité.
 

Ces autres outils de propriété intellectuelle

Vous pouvez également déposer votre marque, un dessin (éléments graphiques en deux dimensions) ou un modèle (en trois dimensions). Droit d’auteur, indications géographiques sont autant d’instruments supplémentaires dans la palette de la protection. Sans oublier des stratégies informelles, tel le secret…
 

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